The only way is up

1988, malgré le sujet lourd de la précarité, Yazz fait un tube avec une chanson optimiste dans une Angleterre qui en avait besoin...

Les eighties ne sont pas à proprement parler une décennie folichonne, les régimes communistes de l'Europe de l'Est commencent à s'effriter avec des conséquences importantes pour les populations des pays concernés, la famine frappe plusieurs pays africains, un choc pétrolier important touche la planète entre 1982 et 1986 dans le même temps que l'on commence à prendre conscience des enjeux environnementaux, le Sida fait des ravages, les conflits éclatent les uns après les autres aux Malouines (1982), en Syrie (1982), entre l'Iran et l'Irak (1980-1988), au Liban (poursuite des combats avec les terribles massacres de Sabra et Chatila en septembre 1982), en Afghanistan, au Nicaragua, au Pérou... En Palestine, la première Intifada a lieu en 1987 et la population roumaine se soulève pour évacuer par la force Ceaucescu du pouvoir en 1989. Bref, l'époque n'est guère à l'optimisme ! En Angleterre, la récession imposée par le Gouvernement Thatcher entre 1980 et 1982 entraine la privatisation de nombreuses entreprises pendant toute la décennie avec un cortège de licenciements. A l'été 1988, le Royaume-Uni doit faire face à une Dame de Fer qui durcit ses positions libérales plongeant de nombreuses familles dans les difficultés financières, certaines sont explusées de leur logement... certains économistes qualifient ces années de tournant libéral, d'autres de grand cauchemar. Yasmin Evans - que ses potes surnomment Yazz - vivote comme elle peut, elle a quitté l'école sans diplôme à 15 ans, en 1975. Elle aurait pu faire carrière dans le sport puisqu'elle faisait partie, à la fin des années '70, de l'équipe nationale de volley-ball des moins de 19 ans; mais le sport féminin ça ne paie pas à l'époque et elle choisit donc de se lancer sur le marché du travail. Elle effectue divers petits boulots pour subsister, employée de bureau, vendeuse, serveuse... avant d'être remarquée par une agence de mannequin locale. Grande, métisse - son père est Jamaïcain, sa mère Anglaise -, elle tente alors une carrière timide dans le mannequinat. Mais elle a un joli brin de voix aussi elle rejoint, en 1983, un groupe londonien appelé Biz avec lequel elle tourne dans les discothèques de la capitale anglaise. La vie s'écoule calmement ainsi, c'est souvent la galère l'argent sort aussi vite, parfois plus vite, qu'il entre mais Yasmin est une éternelle optimiste, elle fredonne d'ailleurs souvent cette chanson d'Otis Clay, un chanteur de soul américain, qui parle d'optimisme, de personnes qui n'ont plus rien, qui ont touché le fond mais qui ne peuvent pas tomber plus bas, The only way is up (On ne peut aller que vers le haut). A l'aube de 1988, le groupe de musique électronique Coldcut (qui a notamment lancé Lisa Stansfield) cherche une nouvelle chanteuse, c'est par hasard que leur manager entend Yazz chanter avec Biz dans une discothèque. Quelques jours plus tard, le jeune femme fait ses début avec Coldcut dont la spécialité est de remixer des hits de la musique pop dans des versions qui allient le jazz à la musique électronique. Coldcut enregistre alos, avec Yazz, Doctorin' the House, un remix de musiques de séries télés anglaises et de dialogues de ces même séries. Le titre grimpe à la sixième place des charts anglais et s'exporte assez bien vers l'Autriche, l'Allemagne, la Belgique, l'Irlande et les Pays-Bas.

Fort de ce succès, Matt Black, le leader de Coldcut envisage alors de proposer à la pétillante Yazz d'enregistrer un single. Yazz souhaite que ce soit The only way is up, cette chanson optimiste qu'elle adore. Black travaille sur un remix dans lequel il pourrait intégrer la bonne humeur de Yazz, il accélère le rythme de la musique, lui donne un tempo d'acide house et de funk, y ajoute des rires (ceux de Yazz) et aboutit à une version enjouée qui va à contresens de l'ambiance plombée de l'Angleterre d'alors. Coldcut produit la chanson chez Big Life, une maison de disques indépendante qui appartient à Tim Parry et Jazz Summers, le futur mari de Yazz. Celle-ci entre en studio en juin et la chanson est mise en boite très rapidement car Big Life ne dispose pas de moyens important qui permettraient de recommencer trop de prises. Quoi qu'il en soit, le résultat est valable et The only way is up est commercialisée dès la mi-juillet en Angleterre. Rapidement elle touche le public parce qu'elle parle d'une réalité qui concerne énormément d'Anglais, la précarité, la difficulté de boucler les fins de mois, l'expulsion et la difficulté de la vie au quotidien mais, en même temps, elle parle d'amour et d'optimisme puisque les paroles disent qu'à deux, lorsque l'on s'aime, on peut faire face à tous les problèmes de la vie et que lorsque l'on a touché le fond, on ne peut que remonter... Le tout est chanté par une Yazz qui apporte sa gaieté naturelle. Le clip qui accompagne The only way is up est tourné rapidement dans un hangar et fait la part belle à Yazz avec des gros plan de son visage enjoué qui renforcent la bonne humeur et l'optimisme de la chanson.

Les Anglais avait bien besoin de cette bouffée d'optimisme car The only way is up atteint la première place des charts au début du mois de septembre et y reste jusqu'à la mi-octobre. La chanson est également n° 1 en Suède, en Irlande, en Nouvelle Zélande, aux Pays-Bas et en Australie tout en flirtant avec le sommet en France, en Belgique et en Allemagne. Rapidement, le single est certifié disque d'or en Angleterre, Yazz fait un tabac avec sa version de The only way is up. Dans la foulée, elle sort encore Stand up for your love rights, en octobre 1988, qui fera un n° 2 en Angleterre, ensuite elle enregistrera encore sept albums entre 1989 et 2011 mais jamais plus la jolie métisse de Shepperd's Bush ne rééditera son succès phénoménal de l'été 1988...

Yazz - The Only Way Is Up