American Pie
1971, Don McLean évoque amèrement l'évolution de la société et de la musique américaine dans les années '60...
Il se trouve quantité de personnes à croire qu'American Pie est une chanson de Madonna tout comme il s'en trouve aussi qui sont persuadés que Without You est l'oeuvre de Mariah Carrey... Rendons à Don McLean et à Badfinger ce qui leur appartient ! Ce sont bien le chanteur new-yorkais et le groupe gallois qui sont respectivement les auteurs et compositeurs de ces deux monuments de la chanson. C'est à American Pie que la chronique du jour est consacrée car elle est incontestablement, à mes yeux, l'une des plus importantes du répertoire US. Don McLean est un chanteur de folk qui reste peu connu dans les pays francophones, pourtant sa carrière est longue de plus de 40 ans et jalonnée, aux Etats-Unis et en Angleterre, de nombreux succès. Seuls, cependant la ballade American Pie a franchi les frontières de la francophonie... et encore diront certains grâce à la reprise de Madonna, en 2000. Cependant, la version pop/dance de la Madonne était largement expurgée car elle ne contenait trois des quatorze couplets originaux et les refrains, ce qui lui enlève toute sa compréhension. En effet, s'il est bien une chanson à texte, une chanson qui raconte une histoire, c'est American Pie ! L'oeuvre majeure de Don McLean est longue de 8'30'' ce qui est énorme mais pas unique (ndlr à la même époque, The Doors étaient aussi coûtumier des longues chansons), sa particularité est est que ses 14 couplets évoquent tous un événement qui a marqué la chanson américaine ou l'histoire américaine de la fin des années '50 jusqu'à l'aube des années '70. McLean est resté très mystérieux à propos de son texte qui repose sur des allusions préférant laisser à chacun sa propre perception mais précisant quand même qu'il s'agit d'une chanson autobiographique. Cependant, plusieurs spécialistes de la musique américaine se sont penchés sur les paroles pour affirmer avec (quasi) certitude que le texte évoque la manière dont la musique a évolué depuis la mort accidentelle de trois légendes du rock américain : Buddy Holly (à qui l'album éponyme qui contient American Pie est d'ailleurs dédié), The Big Bopper et Ritchie Valens, en février 1959.
A cette époque, les Etats-Unis vivent une transition sociale et économique majeure, ils quittent en effet la période conformiste et optimiste de l'American Dream, période dorée s'il en est, pour entrer dans les années soixante contestataires et baignées de guerre au Vietnam, période sombre s'il en est. La musique va subir l'influence de ce changement pour muter profondément, au grand dam semble-t-il de Don McLean qui appréciait la "pureté" de la musique des années '50. Selon lui, le jour qui a précipité cette mutation est celui, funeste, où disparurent Buddy Holly et ses deux amis, ce "jour où la musique est morte" ("The day where the music died")... S'il est évident que la musique des années '60 a subi l'influence du changement - mais n'est pas autant la musique qui a implémenté le changement ? - ambiant, celle de la décennie précédente n'était assurément pas aussi "pure" que ne le pense McLean car, après tout, c'est bien la naissance du rock dans les années '50 qui est à la base de tous les changements sociétaux des années soixante.
American Pie s'ouvre sur une note nostalgique où le narrateur se rappelle cette musique qui lui plaisait tant et qui s'est achevée par l'annonce de la mort de Buddy Holly, de Ritchie Valens et du Big Bopper dans un accident d'avion alors qu'ils se rendaient à un concert dans le Nord-Dakota. Cette triste nouvelle, il l'a apprise dans un des journaux qu'il livrait étant adolescent. Dans la culture populaire américaine, ce jour du 3 février 1959 reste appelé... The Day Where the Music Died ! La chanson renvoie d'abord à des chansons des années '50 qui ont marqué le narrateur à l'image de :
- The Book of Love par The Monotones en 1958 (Did you write The Book of Love);
- Jesus loves me par Don Cornell en 1955 qui contient la phrase And do you have fate in God above
- A white sport coat par Mary Robbins en 1957 qui contient la phrase With a pink carnation...
Ensuite, successivement, les paroles font allusion à différents artistes des années '60 qui se sont imposés sur la scène musicale évoquant notamment :
- Bob Dylan (The Jester, le Bouffon ainsi qu'il se surnommait) notamment qui évolue davantage vers le rock que vers la folk qui était sa musique à l'origine (And moss grows fat on a rollin' stone, allusion à la chanson Like a rolling stone de Dylan) mais qui détrône dans le coeur des Américains Elvis Presley (The King) qui s'est lancé dans des productions cinématographiques sans grand intérêt (Ooh and while the King was looking down, the Jester stole his thorny crown);
- Les Beatles qui sont le symbole de la British Invasion aux Etats-Unis et le rock 'n roll qui s'efface devant la pop anglaise (While the Sergeants playing a marching Tune, allusion à l'album Sgt Pepper Lonely Hearts Club Band) avant que la musique des Beatles ne se politise dans la seconde moitié des années '60 (And while Lennon read a book of Marx);
- The Byrds, un groupe folk qui a signé, avec Eight Miles High, la chanson qui est considérée comme la première du rock psychédélique américain (The birds flew off with a fallout shelter) abandonnant ainsi la musique folk pour le rock et la country;
- Les Rolling Stones qui font du rock une énorme machine parfois au détriment de la qualité (And moss grow fat on a rollin' stone ou Jack Flash sat on a candlestick, allusion à la chanson Jumpin' Jack Flash, adaptation d'une comptine anglaise)...
La chanson évoque aussi des événements qui ont marqué la décennie des sixties comme :
- l'assassinat de Sharon Tate par Charles Manson (Helter Skelter in summer swelter, allusion à l'Album Blanc des Beatles qui contient la chanson Helter Skelter donc Manson s'est inspiré pour détruire le femme de Roman Polanski et ses amis);
- l'assassinat de JFK et l'absence de procès suite à la mort de son meurtrier présumé (The courtromm was adjourned, no verdict was returned);
- les nombreuses manifesations contre la guerre au Vietnam dont plusieurs ont été réprimées dans le sang par la police (The players try to take the fied, the marching band refused to yield);
- le Festival de Woodstock et le premier pas sur la lune en 1969 (And ther we were all in one place, a generation perdue dans l'espace);
- la mart de Janis Joplin (I met a girl who sang the blues and I asked her for some happy news. She just smiled and turned away)...
Pour conclure sa chanson, Don McLean revient à la mort des trois hommes qu'il aimait le plus, qu'il tenait pour sa Sainte-Trinité : Buddy Holly, The Big Bopper et Ritchie Valens, qui avaient donné ses lettres de noblesse au rock 'n roll des années cinquante. Avec American Pie, McLean pose le constat de l'évolution de la musique américaine à travers l'évolution de la société... Fini le temps de l'insouciance, bonjour les heures plus sombres. La musique a fait place aux chants contestataires et à l'industrie musicale. La musique "pure" est morte avec Buddy Holly et ses amis à bord d'un Beechcraft Bonanza, dans un champs de Clear Lake, Iowa...
Quant à cette fameuse Miss American Pie à qui le narrateur dit au revoir dans le refrain c'est simplement l'Amérique insouciante des années '50, la tarte (aux pommes souvent) étant l'un des symboles de la famille américaine heureuse type de cette époque...
American Pie a été enregistrée le 26 mai 1971 et sortira au mois de novembre de la même année. Il aura fallu 24 prises pour gravers l'ensemble de la chanson tant elle était longue et complexe. Beaucoup de radios refusèrent d'ailleurs de la diffuser à cause de sa longueur inhabituelle car la recommandation était alors de diffuser des chansons allant de 3'30 à 4'00, pas plus. American Pie a été intronisée au patrimoine culturel américain !
Don McLean - American Pie better quality
American Pie (Don McLean, 1971)
A long, long time ago... But february made me shiver I can’t remember if I cried So bye-bye, miss american pie. Did you write the book of love, Well, I know that you’re in love with him I was a lonely teenage broncin’ buck I started singin’, Now for ten years we’ve been on our own Oh, and while the King was looking down, We were singing, Helter Skelter in a summer swelter. Now the half-time air was sweet perfume We started singing, Oh, and there we were all in one place, Oh, and as I watched him on the stage He was singing, I met a girl who sang the blues And in the streets: the children screamed, And they were singing, They were singing,
|
Il y a très, très longtemps... Mais février m'a fait frissonner Je ne sais plus si j'ai pleuré Alors adieu, rêve américain*. As-tu écris le livre de l'amour, Bien, je sais que tu es amoureuse de lui J'étais un ado solitaire et rebelle Je me suis mis à chanter, Depuis dix ans nous sommes tout seuls Oh, et tandis que le King avait les yeux baissés, On chantait, Helter Skelter dans l'étouffante chaleur d'été. L'air de la mi-temps était délicatement parfumé On s'est mis à chanter, Oh, et on était tous là au même endroit, Oh, et alors que je le regardais sur scène Il chantait, J'ai rencontré une fille qui chantait le blues Et dans les rues: les enfants criaient, Et ils chantaient, Ils chantaient,
|