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The Blog That Rocked
12 juin 2014

God save the Queen

1977, Sex Pistols flingue la monarchie britannique... ou pas !

 

God save the Queen

Le Royaume-Uni n'a pas d'hymne national officiel mais depuis plusieurs siècles, c'est God Save the Queen(1) qui fait office. L'origine de cette pièce musicale est incertaine, d'aucun en attribuent la paternité à John Bull, un claviériste, qui l'aurait composée en 1619, d'autres optent pour une adaptation du chant français Grand Dieu sauve le Roi, écrit par la Duchesse de Brinon en 1686. Quoi qu'il en soit, les spécialistes de la monarchie britannique s'accordent à dire que God save the King date du 17è siècle à l'époque de la Maison Stuart. Ce chant à la gloire des monarques du Royaume-Uni est une véritable institution anglo-saxone, il fut même l'hymne le plus utilisé dans le monde à la grande époque du Commonwealth où la très grande majorité des pays émargeant à l'Empire Britannique n'avaient pas d'hymne propre. God save the Queen - puisque c'est une reine qui est sur le trône depuis 1952 - a aussi beaucoup nourri l'inspiration des chantres du rock du 20è siècle. Ainsi, Jimi Hendrix en livra une version très électrique lors du festival de l'Île de Wight, en 1970, tandis que Brian May en fit une adaptation pour le fabuleux albums A night at the Opéra (1975) de Queen. Pendant des années, Queen terminera d'ailleurs ses concerts par cette interprétation à la guitare de May alors que les paroles étaient entonnées en choeur par le public. Mais s'il est une version de God save the Queen qui frappa les esprits, c'est assurément celle de Sex Pistols, en 1977. Sorti à quelques jours du Jubilé d'Elisabeth II - le Silver Jubilee qui commémorait ses 25 ans de règne - en juin, God save the Queen est le second single de Sex Pistols. Ses paroles et sa pochette firent scandale et engendrèrent une polémique qui dura plusieurs semaines.

Créé en 1975 par Glen Matlock (basse), Steve Jones (guitare), Paul Cook (batterie) et Johnny Rotten (chant), Sex Pistols repose uniquement sur la provocation. Cheveux hirsutes et colorés coiffés en spikes, épingles de nourrice plantées dans le visage, grimaces déformantes, nom tendancieux, les Pistols font peur, ils dérangent l'Angleterre bien-pensante du milieu des seventies. Cependant, ils plaisent aussi à une grande frange de la population issue du Swinging London et notamment à une certaine jeunesse de plus en plus contestataire. C'est d'ailleurs la contestation ambiante qui donnera naissance au mouvement punk aux Etats-Unis, du côté de Détroit. Ce mouvement culturel qui entend remettre en question les valeurs établies(2) et faire table rase des conventions sociales traverse tôt l'Atlantique pour se développer en Angleterre. Il propose un renouveau culturel associé à la liberté totale de création mais aussi des formes d'expressions brutes, spontanées, dénuées d'entraves. Au niveau sociétal, les punks revendiquent l'anarchie, l'antimilitarisme, le végétarisme et prônent le nihilisme et le cynisme. Musicalement, quelques locomotives se dégagent, The Ramones, The Stooges, The Heartbreakers ou New York Dolls du côté américain; The Clash, The Mekons, The Membranes, Siouxsie and The Banshees et, bien entendu, Sex Pistols du côté anglais. La particularité de Sex Pistols est de n'avoir enregistré qu'un seul album, Never Mind the Bollocks, here's the Sex Pistols, mais celui-ci reste la référence majeure du mouvement punk. Sorti en juin 1977, le 33 tours est précédé de deux singles, Anarchy in the U.K., en novembre 1976, et God save the Queen, en mai 1977. Sur ce titre, Johnny Rotten se lache complètement et revisite à sa façon le chant monarchiste. C'est une institution qu'il égratigne aussi la chanson fait-elle scandale ! Comment un guignol peinturluré et tatoué avec une une épingle de nourrice dans l'oreille ose-t-il se permettre de massacrer le chant qui fait office d'hymne national britannique ? Mais ce qui heurte le plus la haute société anglaise est que Sex Pistols compare la monarchie britannique à un régime fasciste ("God save the Queen, the facist regime" en ouverture de la chanson) et qu'il n'entrevoie aucun avenir pour l'Angleterre ("There is no future in England's dreamland"). La pochette du 45 tours présente la Reine baillonnée et masquée par des bandeaux noirs sur fond d'Union Jack... Ce sont à nouveaux deux symboles du pays qui sont malmenés, ce qui s'ajoute à la déferlante de critiques qui accompagne le single. Mais à y regarder de plus près, Sex Pistols dresse-t-il une attaque en bonne et due forme de la monarchie ou, plutôt, regrette-t-il l'évolution de ce symbole britannique. Dans les paroles, Rotten dit clairement qu'il aime sa reine, qu'il désespère cependant de ce qu'elle est devenue. N'est-ce pas là un message, un appel au retour d'une reine qui représenterait mieux son pays, à la décommercialisation de ce symbole et de ce qu'il représente ? Le saura-t-on jamais car si la provocation est le recto de la carte de visite de Sex Pistols, le cynisme en est le verso...

Bien que ses membres se soient toujours défendus d'avoir prémédité la sortie du single à quelques jours du Silver Jubilee, le 7 juin 1977, jour même de ce fameux jubilé, Sex Pistols tente d'interpréter God save the Queen sur un bateau ancré dans la Tamise, près du Palais de Westminster. Cette initiative fait tâche alors que le pays fête sa reine aussi la police intervient-elle en force et procède à l'arrestation de plusieurs personnes présentes sur le bateau. Cette intervention policière trouve écho dans les médias et booste les ventes du single. God save the Queen est, finalement, le deuxième 45 tours le plus vendus d'Angleterre en 1977. Il squatte la seconde place des hit-parades officiels, y compris ceux de la BBC, pendant plusieurs semaines. D'aucuns affirment même qu'il fut le single le plus vendu de l'année mais que pour des questions politiques, il fut imposé de le déclasser dans les charts afin qu'une offense à la monarchie ne soit pas n°1... L'expression "No future" reprises plusieurs fois dans le texte est devenue le slogan officiel des punks et le magazine Sounds consacre God save the Queen comme chanson de l'année 1977. L'album Never Mind the Bollocks, here's the Sex Pistols sort à l'automne 1977 avec une nouvelle provocation, Bollocks signifiant Couilles, l'expression never mind de bollocks pouvant donc être interprétée part ne t'en bat pas les couilles. Il reste comme le premier et dernier album de Sex Pistols car s'il fit la gloire de Rotten et ses potes, il signa aussi la séparation du groupe. En plein enregistrement de l'album, Glen Matlock quitta le groupe, suite à des dissensions de plus en plus fortes avec Johnny Rotten et Malcolm McLaren, le manager du groupe. Rotten proposa de remplacer Matlock par un pote qui jouait occasionnellement de la batterie pour Siouxsie and the Banshees, John Simon Ritchie, surnommé Sid Vicious. Batteur mais pas bassiste, Sid Vicious n'a jamais touché une basse de sa vie mais s'engage à apprendre rapidement, ce qu'il ne fera évidemment pas. Vicious est un fou de la pire espèce, dépravé jusqu'à l'os. Il donnera une image forte de Sex Pistols mais le groupe ne résista pas très longtemps. Sid Vicious s'amourache d'une groupie camée profonde, Nancy Spungen, qui l'initie aux drogues dures. Il délaisse la scène et le groupe pour se consacrer à la drogue et au sexe sous l'emprise totale de Nancy. La tournée organisée aux Etats-Unis, au début de 1978, est un fiasco total, écoeuré par le comportement de Vicious et de son addiction réelle à une camée qui cherche à le détruire, Johnny Rotten quitte Sex Pistols pour fonder Public Image Limited. Steve Jones et Paul Cook créent The Professionnals, quant à Sid Vicious il s'en alla trouver l'épilogue de sa vie dissolue en poignardant, en octobre 1978, Nancy Spugen dans une chambre du Chelsea Hotel de New York avant de s'envoyer, quelques semaines plus tard, une dose fatale d'héroïne.

Sex Pistols marqua la musique du 20è siècle avec un seul et unique album duquel furent tiré deux singles. God save the Queen était l'un d'eux, il laisse une empreinte indélébile associée irrémédiablement au mouvement punk qui secoua l'Angleterre et les Etats-Unis dans la seconde moitié des années '70. 

Sex Pistols - God Save the Queen (Studio)

God save the Queen

God save the Queen
The fascist regime
They made you a moron
A potential H-bomb

God save the Queen
She ain't no human being
There's no future
In England's dreamland

Don't be told what you want
Don't be told what you need
There's no future, there's no future
There's no future for you

God save the Queen
We mean it man
We love our Queen
God saves

God save the Queen
'cos tourists are money
And our figurehead
Is not what she seems

God save history
God save your mad parade
Oh Lord God have mercy
All aims are paid

When there's no future
How can there be sin
We 're the flowers in the dustbin
We're the poison in your human machine
We're the future, you're the future

God save the Queen
We mean it man
There is no future
and England is dreaming

No future, no future, no future for you
No future, no future, no future for me

Traduction

Que Dieu sauve la Reine
Le régime fasciste
Ils ont fait de toi un connard
Une bombe humaine potentielle

Que Dieu sauve la Reine
Elle n'est pas un être humain
Il n'y a pas de futur
Au pays merveilleux d'Angleterre

Ne te laisses pas dire ce que tu veux
Ne te laisses pas dire ce dont tu as besoin
Il n'y a pas de futur, il n'y a pas de futur
Il n'y a pas de futur pour toi

Que Dieu sauve la Reine
Nous le pensons mec
Nous aimons notre Reine
Que Dieu la sauve

Que Dieu sauve la Reine
Parce que les touristes c'est de l'argent
Et notre symbole
N'est pas ce qu'il doit être

Que Dieu sauve l'Histoire
Que Dieu bénisse ta parade folle
Oh Seigneur Dieu ait pitié
Toutes les échéances ont été payées

Lorsqu'il n'y a pas de futur
Comment peut-il y avoir des péchés
Nous sommes des fleurs dans la benne à ordures
Nous sommes le poison dans ta machine humaine
Nous sommes le futur, tu es le futur

Que Dieu sauve la Reine
Nous le pensons mec
Il n'y a pas de futur
Et l'Angleterre rêve

Pas de futur, pas de futur, pas de futur pour toi
Pas de futur, pas de futur, pas de futur pour moi

----
(1) ou sa version God Save the King qui est, en fait la version originale, et qui est forcément d'usage lorsque c'est un roi qui occupe le trône
(2) le anglais mot punk signifie d'ailleurs sans valeur

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Commentaires
J
Ainsi est né puis aussitôt mort (no futur ?) le punk ! Les Sex Pistols ont eu le mérite de faire bouger le cocotier avec une poignée de chansons pas si médiocres que cela en prime !
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